Bas relief illustrant une scène de récolte avec des ânes provenant de la nécropole de Gizeh en Égypte et conservé au Musée égyptien de Berlin

L’âne dans l’Égypte antique : compagnon de labeur et figure symbolique

Cécile Boudon

Cette article est une traduction remaniée de l'essai de Luka-the-Pooka

Nom égyptien : Aa-hemet ou Eeyore

L’âne, domestiqué par les Égyptiens il y a plus de 5 000 ans, descend de l’âne sauvage africain (Equus africanus). À l’époque, il mesurait environ 1,20 mètre au garrot et pesait près de 270 kg, soit bien plus que les ânes modernes. Sa robustesse en faisait un pilier du transport terrestre, bien avant l’introduction du chameau.

Un rôle central dans la vie quotidienne

Dans la vallée du Nil, les ânes étaient les principaux porteurs de charge. Ils transportaient des marchandises, tiraient des charrettes et participaient aux travaux agricoles. On les élevait en troupeaux surveillés par des gardiens, ou dans des enclos. Les tombes de l’Ancien Empire les représentent souvent chargés de sacs de grains ou attelés à des chariots.

Les ânesses étaient parfois utilisées comme animaux laitiers, et leur lait servait à nourrir les enfants ou à des fins médicinales. Comme les porcs et les bovins, les ânes étaient aussi employés pour le battage du grain, leurs sabots étant particulièrement efficaces pour cette tâche. Certains textes du Nouvel Empire mentionnent même des ânes attelés à des chars, une image rare mais révélatrice de leur polyvalence.

Les anciens Égyptiens contrôlaient les ânes à l’aide de bâtons, ou en les tenant par l’oreille ou la queue. Le bridon n’a été utilisé qu’après l’introduction du cheval.Les anciens Égyptiens contrôlaient les ânes à l’aide de bâtons, ou en les tenant par l’oreille ou la queue. Le bridon n’a été utilisé qu’après l’introduction du cheval. 

L’âne, monture peu digne ?

Trois bas-reliefs de l’Ancien Empire montrent un propriétaire transporté dans un palanquin suspendu sur deux ânes, une manière d’éviter de monter directement sur l’animal. En effet, monter un âne était jugé indigne, sauf si l’on était porté sur une litière.

Un animal précieux et respecté

Le prix d’un âne était élevé : il valait plus qu’un mouton, une chèvre ou un porc, et presque autant qu’une vache. Aucune distinction n’était faite entre mâles et femelles et sa valeur dépendait de l’âge et de la qualité de l’animal. Seuls les riches propriétaires pouvaient en posséder, les paysans devant souvent les louer.

Certains propriétaires se vantaient de leurs troupeaux d’ânes, et les pharaons eux-mêmes les considéraient comme des compagnons dignes de l’au-delà. Le pharaon Aha fut enterré avec dix ânes momifiés, chacun disposé dans une tombe individuelle, au même rang que les hauts fonctionnaires. Le pharaon Den, quant à lui, fut accompagné de trois ânes momifiés, placés debout, prêts à le suivre dans l’au-delà.

 Les restes d’ânes momifiés, prêts à suivre leurs maîtres dans l’au-delà.
Les restes d’ânes momifiés, prêts à suivre leurs maîtres dans l’au-delà. 

Des ânes avec des noms et des histoires

Un homme nommé Sennefer a laissé une trace touchante : il avait donné des noms à ses ânes, et noté leur lignée. Ces noms, souvent drôles ou poétiques, reflétaient leur caractère :

Tamytiqeret (« Excellente chatte »), fille de Kyiry (« Compagnon »)
Paounsou (« Le hurleur »), fils de Tamytiqeret
Pasaiou (« Le grogneur de porc »), fils de Pasab (« Chacal »)
Paankh (« Chèvre vivante »), fils de Pakheny (« Rameur fort »)
Paiou (« Celui qui ressemble à un chien »), fils de Ramessou (« Le Ramsès », nommé d’après le roi lui-même)

L’âne dans les proverbes égyptiens

L’âne était aussi une source d’inspiration pour les proverbes égyptiens, souvent teintés d’humour ou de bon sens :

« Ne lie pas le pied de ton âne au palmier, de peur qu’il ne le secoue. »
« Le sifflement du serpent est plus efficace que le braiment de l’âne. »
« Si un âne marche avec un cheval, il adopte son allure. »
« On ne loue pas un âne qui porte une charge parce qu’il brait. »
« Quand il y a du travail, prends un âne. Quand il y a du fourrage, va chercher un bœuf. »

Une figure ambivalente dans la mythologie

À partir du Moyen Empire, l’âne fut associé au dieu maléfique Seth, qui prenait parfois la forme d’un âne rouge. Une légende raconte que 77 ânes tentèrent d’empêcher le lever du soleil, s’opposant au dieu solaire Rê.

Durant le Nouvel Empire, l'« âne de Seth » était sacrifié rituellement lors de la fête d’Osiris. À Busiris, le sacrifice était symbolique : on imprimait l’image d’un âne sur du pain sacrificiel. Le hiéroglyphe représentant l’âne était parfois lié ou transpercé d’un couteau, pour le rendre inoffensif.

Hiéroglyphe représentant un âne transpercé d’un couteau, pour le rendre inoffensif.Hiéroglyphe représentant un âne transpercé d’un couteau, pour le rendre inoffensif. 
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